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~ Quelques conseils pour éviter de contaminer les personnes âgées  ~

                                 Par Naiwen HSU — 

    Le 21 janvier 2020trois jours avant le nouvel an chinois, une femme d'affaires taïwanaise de retour à Taïwan après un voyage à Wuhan s'est signalée d'elle-même aux autorités à son arrivée à l'aéroport, après avoir ressenti une forte poussée de fièvre. Après cela, l'atmosphère d'ordinaire si joyeuse de cette période de congés s'est faite beaucoup plus pesante. En effet, deux cents kilomètres à peine séparent Taïwan de la Chine, et les liens personnels et commerciaux entre les deux rives du détroit sont très étroits. Sur la base de ce qui s'était passé lors de l'épidémie de SRAS, dix-sept ans plus tôt, de nombreux spécialistes ont alors pensé que Taïwan allait être durement touché par cette nouvelle épidémie. Et d'innombrables articles et reportages sur le coronavirus ont commencé à circuler tout au long de cette période de congés du nouvel an, jusqu'à aujourd'hui.

    Un peu avant le nouvel an, j'ai été un peu malade, pendant plusieurs jours. Je suis malgré tout allée chez mon oncle pour voir ma petite nièce âgée d'à peine six mois. J'avais vraiment très envie de la prendre dans mes bras, mais comme je ne voulais pas qu'elle attrape mon rhume, je ne l'ai pas fait – je me suis même retenue de caresser ses petits mollets tout ronds.

    Dans les jours qui ont suivi, peu à peu, les nouvelles concernant l'épidémie ont été plus précises et les gens ont commencé à comprendre qu'il s'agissait d'une maladie extrêmement contagieuse mais au taux de mortalité assez bas, touchant peu les enfants, mais pouvant gravement affecter les personnes âgées, dont le système immunitaire est plus fragile et qui sont souvent sujettes à des maladies chroniques.

    J'exerce l'art-thérapie dans deux hôpitaux de Kaohsiung ainsi que dans un centre d'accueil de jour pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Dans le cadre de mon travail, je suis amenée à entrer en contact avec un grand nombre de personnes âgées. Quand j'ai compris que c'était cette partie de la population qui était justement la plus exposée au risque de mortalité en cas de contamination par le coronavirus, j'ai ressenti une grande pression. Certes, chaque année, des patients âgés décèdent, que ce soit à l'hôpital ou dans le centre d'accueil de jour, mais à chaque fois, c'est comme si nous perdions un proche : pour les soignants et tous les employés qui s'occupent d'eux et les entourent, c'est toujours une épreuve. La mort, quelles que soient les circonstances, n'est jamais facile à affronter, même pour la plus insouciante des personnes, et on ne peut se permettre d'adopter une attitude trop désinvolte quand la vie d'autrui est en jeu.

    En 2011, j'ai étudié l'art-thérapie à la faculté de médecine de Poitiers. Un de nos cours avait pour thème les questions éthiques en médecine. Je me souviens que notre professeur, M. Pain, nous avait notamment expliqué que lorsqu'on soignait quelqu'un, il était important que les bénéfices résultant du protocole de soins, pour le patient, soient supérieurs aux inconvénients causés par ce même protocole, et que le personnel soignant devait faire de son mieux pour limiter les aspects négatifs de ce point de vue. Cette conception de la façon de soigner un patient m'a profondément marquée. Au moment du nouvel an, j'ai posé quelques jours de congés supplémentaires pour me rendre à Taidong. Pendant la journée, je me promenais, et le soir je lisais les nouvelles concernant l'épidémie, tout en réfléchissant à la meilleure façon de me protéger pour ne pas attraper le coronavirus, non par crainte de mourir, mais pour éviter de devenir un vecteur de contamination pour les personnes âgées. En effet, s'il est évident que personne ne tient particulièrement à attraper de virus, les gens comme moi travaillant dans le milieu médical gardent toujours à l'esprit que si elles tombent malades, elles risquent de contaminer les personnes dont elles s'occupent. C'est pourquoi, pour les soignants, faire attention à sa propre santé relève aussi de la mise en oeuvre de principes éthiques sur le plan médical.

    Le 1er février, on comptait déjà 10 personnes diagnostiquées positives au coronavirus à Taïwan. J'ai commencé à surfer sur Internet à la recherche de vidéos présentant les différentes étapes pour bien se laver les mains, m'efforçant aussi de me rappeler le contenu des cours de gestion et de contrôle des épidémies suivis pendant ma formation à l'hôpital. J'ai continué à me demander comment faire pour ne pas attraper le virus, en dehors du fait de bien se laver les mains, de porter un masque dans les transports en commun et d'avoir toujours sur moi une petite bouteille de gel hydroalcoolique. Quand la Chine et Taïwan ont affronté l'épidémie de SRAS, en 2003, il leur a fallu adopter des mesures très strictes pour en limiter la propagation. Peut-être les conseils qui suivent paraîtront un peu exagérés aux Européens, qui n’ont pas connu cette expérience. Par ailleurs, le gouvernement taïwanais a fait en sorte de fournir au minimum deux masques chirurgicaux par semaine à ses citoyens (trois masques par semaine depuis le 5 mars), et d'en contrôler le prix (0,16€/masque), et les Taïwanais sont habitués à porter ce type de masque quand ils sont malades. La situation en France est très différente, avec une pénurie de masque, et le fait de ne pas avoir l'habitude d'en porter. Mes conseils sur les moyens à employer pour éviter d’être contaminé par le coronavirus dans la vie de tous les jours vous paraîtront donc peut-être inapplicables. Mais je pense malgré tout que certains d'entre eux pourront être utiles aux personnes travaillant dans les EHPAD et les établissements accueillant des personnes handicapées. 

 

1. Dans les transports en commun : mieux vaut éviter d'effectuer de longs trajets. Si on ne peut faire autrement, il est important de porter un masque. Dans le train, le RER, le métro ou le tramway, mieux vaut monter dans une voiture où les passagers sont peu nombreux et portent tous un masque. Si vous utilisez votre portable dans les transports en commun, évitez de le remettre dans votre poche avant de l'avoir désinfecté. Si un passager qui se trouve non loin de vous se met à éternuer ou à tousser, mieux vaut vous éloigner et maintenir une distance de deux mètres au moins. Une fois que vous êtes sorti/e des  transports en commun, désinfectez-vous les mains avec du gel hydroalcoolique. Evitez au maximum de payer vos titres de transport en espèces, favorisez les règlements par carte.

2. Sorties en groupe : si vous vous rendez au restaurant, installez-vous en terrasse de préférence. Mieux encore, changez de programme, et au lieu d'aller au restaurant ou au cinéma, privilégiez des activités sportives en extérieur. De mon côté, j'ai décidé d'arrêter temporairement de me rendre dans les restaurants proposant des buffets à volonté et dans les caféterias, même si dans certaines caféterias à Taïwan, il est désormais demandé aux clients de porter un masque au moment où ils se servent. Dans certains restaurants, il est même interdit de parler tout le long du comptoir où sont présentés les plats.

3. Lieux publics : Taïwan combine un territoire peu étendu à une population très dense, si bien qu'en ville, la distance entre deux personnes qui se suivent ou se croisent n'est souvent même pas d'un mètre. Dans les endroits où il y a beaucoup de monde, en extérieur, je porte des lunettes de soleil et un masque en tissu fait maison. Ce sont des sortes de pochettes en tissu (maintenues au niveau des oreilles par des élastiques), à l'intérieur desquelles on coud une lingette stérilisée qu'on a au préalable fait sécher. Porter ainsi des lunettes et ce type de masque artisanal peut par exemple diminuer les chances que les postillons émis par une personne éternuant lorsqu'elle passe devant vous pénètrent dans vos yeux ou dans vos voies respiratoires. Porter un masque peut aussi avoir une autre utilité : certaines personnes contaminées par le Covid-19 ne présentent que très peu de symptômes, voire sont asymptomatiques, en particulier dans les foyers de contamination comptant de grands nombres de cas. Sans test de dépistage, il peut donc parfois être très difficile de savoir si l’on est contaminé ou non. Généraliser le port du masque peut ainsi fortement atténuer les risques de propagation du virus par des personnes contaminées ne présentant pas de symptômes. Si vous devez vous rendre dans un lieu fermé très fréquenté, comme un hypermarché, le mieux est de porter un masque ou, au minimum, d'en emporter un avec soi, au cas où. Certes, les lunettes, les écrans faciaux transparents, les masques chirurgicaux, et les masques en tissu ne peuvent totalement faire obstacle à un virus, mais concernant le coronavirus, qui se transmet par les goutelettes respiratoires, ils ont malgré tout une utilité préventive certaine. Pour les personnes en bonne santé, dont le système immunitaire fonctionne normalement, ces protections permettent de réduire significativement les chances de contamination par le virus. Par ailleurs, nous avons tous l'habitude de nous toucher le visage tout le temps sans en avoir conscience : on se frotte les joues, les yeux, ou le nez, on se mordille les ongles...  Dès lors, porter des lunettes ou un masque dans les lieux publics contribue grandement à réduire les risques de contamination causée par les contacts entre les mains et les muqueuses du visage.

4. Sur son lieu de travail : avant l'épidémie de coronavirus, les hôpitaux taïwanais,  accordaient déjà beaucoup d'importance à la prévention des épidémies. Il n'a donc pas fallu longtemps après le début de l'épidémie pour que le gouvernement publie une liste bien claire de règles de prévention des épidémies à l'attention des établissements médicaux, recommandant notamment à chacun de bien se déclarer à son arrivée en cas de retour d'une zone à risque d'une part, et de prendre sa température, de se désinfecter les mains et de porter un masque d'autre part.

    Dans les restaurants de certains hôpitaux et grandes entreprises, des écrans en plastique transparent à placer entre soi et ses voisins de table ont été fournis aux employés  pour éviter les risques de contamination croisée provenant des goutelettes de salive. 

5. Hygiène du corps : Si les Asiatiques ont pour habitude de se laver le soir, pour éviter de ramener dans leur lit toutes les saletés accumulées tout au long de la journée, les Français préfèrent se doucher le matin et commencer leur journée tout propres. Pour ma part, je trouve ces deux façons de faire aussi sensées l'une que l'autre, si bien que j'ai pris l'habitude de me laver deux fois par jour, me comportant comme une Française le matin et comme une Taïwanaise le soir. En temps normal, je me lave les cheveux le matin, mais en cette période d'épidémie, je le fais le soir, pour éviter que les saletés accumulées dans les cheveux dans la journée se retrouvent sur mon oreiller.

6. Nettoyage de la maison : la première chose à faire en rentrant chez soi, c'est de se laver les mains. Je nettoie régulièrement les interrupteurs avec de l’eau de Javel (solution d’hypochlorite de sodium), ainsi que les télécommandes, les poignées de porte et mon portable. En rentrant chez soi, mieux vaut ranger son manteau à l'écart de ceux des personnes vivant sous le même toit, afin d'éviter les risques de contamination croisée. Par ailleurs, étant donné que je travaille dans des hôpitaux, pour éviter de contaminer mes proches, tout au long de la période pendant laquelle les premiers cas ont été signalés à Kaohsiung et tant qu'on ne connaissait pas l'ampleur de l'épidémie, j'ai préféré manger à d'autres moments que les membres de ma famille, ou sinon en m'installant à une distance raisonnable d’eux (heureusement, cela n'a duré que quelques jours).

    En résumé, bien que tout cela complique la vie de tous les jours, il faut garder à l'esprit que l'épidémie va prendre fin un jour et que tout va revenir à la normale. J'ai vu dans les médias qu'en Europe, les personnes qui portaient un masque étaient parfois moquées ou regardées de travers et je dois avouer que j'ai dû mal à comprendre pourquoi. Ces personnes qui portent un masque ne le font pas seulement pour se protéger elles-mêmes, mais pour protéger leurs proches, parfois les malades ou les personnes âgées auprès de qui elles travaillent. Vous pouvez bien imaginer que personne n'a vraiment envie de porter ces masques, avec lesquels il est plus difficile de respirer, pour le plaisir. Ce n'est qu'en faisant, chacun, de son mieux pour ne pas attraper le coronavirus que l'on parviendra à atténuer le risque d'une fermeture des écoles et des commerces pour cause d'épidémie. Nous sommes engagés dans un combat dont on ne connaît pas encore l'issue, mais ce qui est certain, c'est que l'on récolte toujours le fruit de ses actes. J'ai fait le choix de prendre soin de moi pour mieux protéger ceux que j'aime ainsi que les malades et les personnes âgées dont je m'occupe, et vous ?

Auteur : Naiwen HSU, art-thérapeute, diplômée de la faculté de médecine de Poitiers,  exerce l'art-thérapie dans différentes structures médicales à Taïwan depuis 2014. 

Traduction : Frédéric Dalléas

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